My dearest.

Une analyse du drama.

(Attention, cet article contient des informations sur le contenu du drama. Si vous n’aimez pas que le contenu d’un programme que vous n’avez pas vu soit dévoilé, ne lisez pas plus loin…)

J’ai fini de regarder My Dearest hier soir, après avoir longtemps attendu la traduction des deux derniers épisodes.
Du début à la dernière image, j’ai été saisie par ce drama, qui a capté mon attention, et mes émotions de semaine en semaine.
Bien sûr, comme tout le monde, j’ai compris assez vite qu’il s’agissait d’une libre adaptation du roman de Margaret Mitchell « Gone with the wind », avec l’insupportable Miss Scarlett, Melanie, Ashley, et Namgoong Min endossant le rôle de Rhett Butler. J’avoue que, dans le premier épisode, je me suis dit que je n’avais guère envie de me retaper cet indigeste histoire, mais le sourire en coin de Namgoong Min m’a incité à en voir davantage, et, je le confesse, j’ai un très grand faible pour les dramas coréens historiques, c’est-à-dire en costumes, tout comme j’adore les films « de cape et d’épée ».
Rapidement, l’histoire coréenne a fait dérailler la stricte adaptation du roman, et du film… La guerre de Sécession est devenue une invasion, ce qui immédiatement situe l’époque et définit les costumes, les habitudes, la politique et désigne le gouvernement, et le roi. Les esclaves noirs ont été remplacés par des prisonniers de guerre et des otages, ce qui n’a rien à voir avec l’aspect systémique du commerce triangulaire et tout à voir avec la brutalité de la guerre et les us et coutumes de ces pays. L’histoire s’est donc vite échappée de son modèle pour, finalement, ne plus à voir grand chose avec le contexte du roman, ni avec les personnages bien connus.

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Rue de l’Exil.

L’appartement que nous avons occupé pendant une vingtaine d’année à Lisbonne, rua Nova do Desterro, rue Nouvelle de L’Exil, avait des carrelages en carreaux de ciment datant des années 30.
Sous les toits, au quatrième étage sans ascenseur d’un immeuble mal entretenu, avec le ciel qui pleut à l’intérieur, sans chauffage l’hiver, nous avons finalement dû le quitter.
Il avait vu naître mon compagnon de vie.
Lui, il détestait devoir y passer de longues semaines lorsque le travail l’appelait à Lisbonne, mais pour moi, c’était un lieu de villégiature, c’était de merveilleuses vacances pleines de liberté, de bruits nouveaux, d’images uniques.
Meublé de bric et de broc, un mobilier « à tout casser » comme le disait finement J., nous y avons, d’année en année, imposé de nouvelles routines qui faisaient du bien quand je les retrouvais en juillet et en août.

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Maja.

Cette photo, je l’avais épinglée au-dessus de mon bureau, à Cartoon Farm où je travaillais à l’époque. Je ne sais plus où j’avais trouvé cette carte postale, mais le photographe et son modèle jouissait d’une certaine notoriété.

Déjà, à Duperré, je préférais les modèles gros. L’harmonie de leurs courbes se répondant les unes aux autres, la tension de la chair, ou son affaissement, la grâce des rondeurs, les fesses, les seins. Nous avions surtout des modèles âgées dans cette catégorie. Des corps ayant vécu, avec des histoires dans chaque pli, émouvants et tranquilles. Le geste de la main et du fusain dans la courbe est tellement plus ample, plus large. On dirait qu’il respire.

Les modèles minces et parfaits, leur beauté tétanise. On sait qu’on ne peut sublimer ce qui est perfection. Dessiner le beau est vain.

Mais s’engloutir, se noyer dans les sinuosités, dans les traits ronds, dans les courbes, dans les volutes voluptueuses de la chair, en suivant du fusain les plis et les replis, en en sublimant le tracé, en rendant visible la beauté est vraiment un plaisir incomparable, un festin extactique. Car montrer la beauté là où d’autres ne la voit pas est le seul travail de l’artiste. L’artiste provoque par la vision et la représentation. En alchimiste, il transforme le trivial en sublime, et soulevant le voile des yeux, montre à tous la beauté.

MAJA / ©Cees van Gelderen-1980

Almoço de feriado.

Il y a des moments qu’on oublie jamais.

Ce jour-là, on touchait au but, à la fin d’un petit périple au travers de l’Espagne, comme on le fait souvent. On était arrivés à Lisbonne dans la matinée. On avait posé nos bagages et on s’était mis en quête d’un restau à l’heure do almoço (de déjeuner). On avait élu domicile entre le théâtre São Luiz et le théâtre São Carlos, en haut de la colline du Bairro Alto, non loin do Largo do Chiado, à la terrasse d’un petit café tranquille, à l’ombre de grands arbres. Comme j’en mourrai d’envie, on avait mangé quelques « salgados », des Pastéis de bacalhau, petits beignets de morue savoureux et croustillants, des croquetes de carne, croquettes de viande de bœufs rissolées, et autres croquetes de frango, petits pâtés frits au poulet… avec un délicieux et exotique guacamole, le tout arrosé d’un frais vin vert, o vinho verde que j’adore, et qui a le goût des vacances.

J’étais enfin arrivée dans ma Lisbonne aimée et je me souviens avoir ressenti cette satisfaction tranquille d’être là où je devais être, à cet exact moment. J’ai étiré mes bras au-dessus de ma tête et étendu mes jambes sous la table. Nous étions là, tous les deux, le nez au vent, les yeux ouverts, et de délicieuses sensations m’envahissaient.
Ce moment merveilleux où tout s’aligne pour former un simple instant de bonheur.

Inventaire.

Combien de fois quelque chose, quelqu’un, quelque part ?

À ma fenêtre...

Dire que la vie, la nôtre, n’est pas éternelle… Combien de printemps ? Combien d’étés ? Combien de douces et chaudes soirées où jouent des vers luisants ? Combien de pleines lunes ? Combien d’arc-en-ciel ? Combien de fois la neige immaculée ? Combien de baisers à bouches éperdues ? Combien de caresses ? Combien de fois aimer et être aimé ? Combien de mots tendres dans la nuit ? Combien de fois surprendre un regard innocent, un geste figé dans l’air ? Combien de renards jouant à l’aube dans le pré, combien de fois entendre rêver le chien, combien de baignades et de rires ? Combien de fois prendre son enfant dans ses bras ? Combien de rêves et combien d’enfance?

On ne compte jamais, et soudain, tout a disparu.

Il y a une dernière fois à toute chose.

Peinture : Zhang Daqian.

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Être vivant.

Ce qui est insignifiant, c’est le pouvoir, ce sont les possessions terrestres.
Elles ne sont que vaines poussières balayées par le dernier souffle…
Et nous n’emporterons avec nous que les souvenirs d’avoir été vivants.

Ce qui nous attache au matériel nous entrave dans notre quête du spirituel.

Ce sont les petites beautés de la vie qui nous montrent le chemin du ciel…

En mai.

Soir.
Les martinets passent en formation serrée, leurs cris pointus loin derrière eux. Les corneilles se cornent et se pouettent, volant en bande vers le clocher qui vient de sonner neuf heures. Entre les déchirures des nuages, l’œil rouge du soleil observe le monde et l’obscurité qui commence à envelopper le village. Les grillons, imperturbables, stridulent patiemment.
Dans la haute falaise couverte d’arbres rebelles qui poussent où ils veulent et d’herbes folles courant éperdument le long de la paroi abrupte, chantent les rossignols. Ils égrènent dans l’air frais du soir les notes blanches, les rondes et les noires flutées des mélodies amoureuses qu’ils inventent à chaque seconde. Ils redoublent de trilles et décorent leur chant d’ornements toujours nouveaux, toujours audacieux.
Ils se taisent quand il pleut. Abrités sous la feuille, ils écoutent la musique de la pluie.